Les chemins extérieurs

Peut-être que pour border une telle cité, vous n'auriez probablement pas imaginé des routes aussi... Hostiles. Ne vous y trompez pas ; La végétation qui couvre les murets est luxuriante et toujours fleurie. Et les racines qui s'étirent sur la pierre, le marbre rose ne vous sembleront pas dangereuses.
Les parfums multiples satisferont vos sens. Mais les plus grands rois ne se laissent-ils pas tomber dans les parterres de pavot?

Voyageur, pèlerin, qui que tu sois, quelles que soient tes intentions, garde-les des papillons. Car la ville protège son monarque.
Ne t'es-tu jamais demandé pourquoi ces insectes portent ce même nom? Ce sont de bons informateurs... Mais les libellules qui se faufilent dans tes cheveux semblent de confiance, non ?

Qui sait.

(Le chemin fleuri)[/quote]

Je n'avais même pas cillé alors que d'un bond souple, Meito se fraya un chemin sur mon dos. Il était tellement léger, plus léger que la plus part des charges que j'avais hissé sur mon garrot pour les transactions avec les marchands venus des métropoles.

Son innocence avait le don pour soulager mon coeur. Et un petit rire se fraya un chemin sur mes lèvres;

"C'est à peine si je te sens, Meito, je ne tolère pas les selles, mais si tu le souhaites, nous pourrions acheter un tapis si cela te rend le trajet plus confortable."

Les papillons se pressaient dans mes cheveux et firent tinter les pierres blanches qui y étaient tressées. Les parfums multiples exaltaient mes sens et je sentis ma peau frissoner légèrement au contact fantôme des insectes qui s'y déplaçaient.

Je ne savais pas ce que cette ville avait à offrir, mais toute obscurité avait debarassé mon coeur. Je piaffais d'impatience à la promesse de Jesthia. Quoi qu'elle puisse offrir, ce serait merveilleux. J'en avais la certitude.

(Le chemin fleuri)

Un tapis ? Oh oui, c'était une bonne idée ! Au fond, c'était un peu comme un coussin, mais plat, non ?

Je regardais avec intérêt les papillons qui voletaient dans les cheveux de Ko'. J'avais envie de jouer avec, mais je me retenais de trop gigoter afin de ne pas l'ennuyer. Même si elle disait ne pas me sentir sur son dos, ou très peu, j'imaginais que ce ne serait pas très agréable si je commençais à m'agiter dans tous les sens. Alors...Profitons seulement.

Je n'étais encore jamais allé à Jesthia, aussi loin que puisse aller ma mémoire, en tout cas. Je sais que c'est pathétique...Mais j'ai oublié une grande partie de ma "vie", de ma détention tout du moins, avant mon arrivée chez Laya. Enfin chez sa famille. Puis lui, particulièrement. D'où est-ce que je venais ? Est-ce que j'ai des Neko-frères et soeurs ? Pas la moindre idée. Je ne savais pas si j'avais vraiment envie de le savoir...

Tout en restant sur le dos de mon amie Centaure, je m'allongeai face au ciel, et jouai quelques notes douces et lentes sur mon instrument. Songes et nostalgie...
Le chemin serait-il long jusqu'à Jesthia ?

(Le chemin fleuri)

Jamais au long de ma vie il ne m'avait été donné de voir autant de papillons simultanément. C'était... Incroyable. La flore plus belle encore que celle que nous avions précédemment traversée. Ce décor donnait des envies d'évasion...

Un rien plus loin, nous vîmes un rongeur humer avec gourmandise les pétales écarlates d'une fleur qui semblait s'offrir à lui. Je me rendis compte alors que pour la première fois, mon cerveau en perpétuel mouvement s'était simplement assoupi. Je ne pensais plus à rien, je n'étais plus submergé de souvenirs, de doutes, de questionnements, et autres parasites encéphaliques. Je profitais du moment, dans sa plus grande simplicité. C'était un cadeau de se sentir mentalement reposé, ne serait-ce qu'un instant.

Nous progressions alors en silence, du moins je n'entendais plus personne autour de moi, je supposais donc qu'il en était ainsi, et je ne vis cette fois le temps passer, quant alors, nous pouvions distinguer au loin les portes de la capitale.

Enfin...

Je repris toute possession mentale et accélérai le pas. Je rêvais d'un bon lit depuis que nous avions quitté les bois, et je n'avais qu'une hâte, m'enrouler dans les draps propres d'une chambre luxueuse, après m'être trempé dans un bain chaud bien mérité. Jesthia... J'imaginais sans aucun doute qu'il pouvait y avoir des bâtiments de plus hauts standards là-bas qu'à Helaya... Je l'espérais, tout du moins. Ne me déçois pas, chère ou non, capitale.

(Les portes de la ville)

Meito avait commencé à jouer tranquillement et je suivis Rosae qui avait repris la marche d'un bon pas.

Mon voyageur n'avait pas pour projet de reposer pieds à terre alors nous quittions à notre tours les chemins exterieurs en direction de Jesthia. Les insectes déçus nous laissèrent du repis sans qu'une seule aile n'ait été laissée là dans le processus.

Une motivation nouvelle s'était emparée de moi et nous disparumes vers les portes de la ville

Jesthia, Jesthia ! Enfin nous pouvions la voir !
Cela avait l'air si immense !

Je trépignais sur le dos de Ko', et l'allure semblait s'accélérer, que ce soit elle ou Rosae. Etions-nous tous si pressés d'arriver ?
La capitale...Il y avait du lait, c'était sûr ! Il ne pouvait qu'y en avoir !

"Du lait, Ko', du lait, tu te rends compte ! Viiite, cours, cours, cours !"

Je souris sans arrêt à cette pensée, mes yeux brillaient lorsque nous arrivions aux portes.

(Les portes de la ville)

(Les rues)

Le lac n'était plus très loin et la nuit était au seuil du monde. Le rythme du pas tranquille des deux chevaux était agréable, il pourrait presque me rappeller mes jeunes années s'il était un peu plus étoffé que ce bruit sur la pierre.

Les papillons se rétractaient dans leurs fleurs encore tièdes. J'imaginais les lucioles qui commençaient à paraître entre les buissons.

Je marchais vers ce lac qui commençait déjà à miroiter la lumière depuis notre position, un peu après les portes. Il ne serait pas aisé de chercher un tel objet en pleine nuit, même si nous pouvions voir correctement. Si nous pouvions happer encore un peu de lumière, ça n'en serait que plus confortable...
Le Lac

(Les portes de la ville)

Les chemins étaient très calmes...Trop peut-être ? Je trouvais cela un peu étrange...Mais après tout, Jesthia nous avait bien réussi et nous y étions en sécurité, alors il était possible que ses chemins soient couverts de la même sérénité ? Dans tous les cas, cela m'allait très bien ! L'aventure, c'est bien...Mais pour les autres.

Je profitais du calme ambiant pour singer les gestes de Rosae sur son cheval. Une petite leçon d'équitation à rabais, on fait ce qu'on peut, nya ! Après tout, je n'étais jamais monté à cheval auparavant, sauf sur Ko' bien sûr, mais cela ne compte pas, et lui semblait si à l'aise...Il avait dû faire cela toute sa vie. Avec sa belle apparence...Je l'imaginais très facilement.

Au loin, nous pouvions apercevoir le lac scintiller sous les reflets lunaires. Je ne sais pas pourquoi, je supposai qu'elle sentit mon excitation naissante, mais ma monture sembla s'agiter un peu, avant de le faire très franchement et de s'élancer au galop.

Au secours, Rosae...!

(Le Lac Haelwin)

(Les portes de la ville)

Qu'il était bon de chevaucher à nouveau sur les chemins bordés de fleurs et d'insectes lumineux. L'ambiance était paisible, le calme régnait, mes alliés étaient tous bien présents... Que redouter ?

Profitant de ce moment de calme, je tentai de me représenter le lac que nous allions voir. Comment serait-il ? Grand ? Petit ? Rempli de visiteurs et entretenu jusqu'au moindre brin d'herbes, ou encore sauvage et mystérieux, berceau de nombreuses créatures inconnues ? Au fond de moi, j'espérais de tout coeur qu'il soit au moins gorgé de poésie. Le reste n'avait que peu d'importance... Mais si sublime endroit il était, peut-être Lui y serait-il ? Qu'en savais-je. Je ne connaissais rien de lui, ni de ses goûts. Il aurait possiblement été plus judicieux de faire le tour des cimetières du pays, après tout, ce fut dans l'un d'eux que je L'ai rencontré. Mais... Un lac n'est-il après tout pas qu'un cimetière à ciel ouvert ? Quid des noyades ou autres naufrages suspects, de ces petites barques qui n'avaient pour désir qu'une escapade romantique ? Y en avait-il ?

Je coupai court mes pensées en voyant le cheval de Meito s'emballer. Allons bon.
J'invitai alors le mien à adopter un galop rapide, afin d'atteindre le chat et pouvoir tirer légèrement sur la bride de sa monture. Quel boulet... Cependant, il fallait admettre, il s'accrochait bien.

(Le Lac Haelwin)

(Le lac Haelwin)

Le poney avait parfaitement approfondi ma description concernant les Gobelins. Bien. Ainsi, tout le monde savait à quoi s'attendre, c'était à mon sens une bonne chose. Une bonne préparation était primordiale face à ce genre... d'individus.

"Dites...Comment faites vous pour n'avoir jamais peur, ainsi...?"

Hmm...?

"Il m'arrive d'avoir peur, Meito, c'est normal, et c'est même sain. J'essaie de ne point le divulguer, c'est tout. N'avoir jamais peur serait par ailleurs une réelle faiblesse et la porte ouverte à l'inconscience et l'inconséquence, ce n'est réellement pas quelque chose d'enviable. Seulement, il faut essayer de canaliser notre peur, et ne pas la laisser nous submerger... Ce n'est pas toujours évident, je suppose. L'habitude et l'expérience peuvent aussi jouer un rôle dans le processus... Ne t'inquiète pas. Tu arriveras probablement à la contrôler, toi aussi."

La peur... Voilà bien là un des sentiments qui prouvent que nous sommes en vie, semble-t-il. Si elle n'était guère agréable à vivre, c'était une évidence, elle se montrait également l'alarme parfaite pour contrer un danger, et savoir y faire face avec la force et la clarté nécessaires.

Bien. Ce chemin était bien agréable, apaisant toujours. Mais saigneur, ce que tout paraissait interminable... Bien sûr, j'exagérais le trait, mais j'avais presque cette impression que plus l'on avançait, plus le mont s'éloigner. En réalité, c'était, j'imagine, tout simplement la lassitude à l'idée d'un long périple, avec bataille à la clé. Pourtant, j'aurais apprécié me débarrasser de cette histoire au plus vite.

Bien que le trajet soit paisible, je ne pouvais m'empêcher de sans cesse lancer des regards à droite, ou encore à gauche. Je ne pouvais expliquer pourquoi, mais le calme actuel faisait naître en mon corps des tensions qui n'avaient pas lieu d'être. Une étrange intuition... Je devais me détendre. La vue était, généralement, assez dégagée. Nous étions en groupe. Il n'y avait aucun risque qu'il nous arrive quelque chose, après tout.

Oui, mais...

Soyons prudent.

(Le lac Haelwin)

Je marchais sur les traces de Rosae quand j'entendis la voix mal assurée de Meito nous questionner.

"Dites...Comment faites vous pour n'avoir jamais peur, ainsi...?"

C'était... Une grande question. Je n'avais pas peur parce qu'il n'y en avait pas besoin. Nous aviserions au moment où la menace sera trop grande pour l'ignorer. C'était ce que j'avais toujours fait après tout.

"Il m'arrive d'avoir peur, Meito, c'est normal, et c'est même sain. J'essaie de ne point le divulguer, c'est tout. N'avoir jamais peur serait par ailleurs une réelle faiblesse et la porte ouverte à l'inconscience et l'inconséquence, ce n'est réellement pas quelque chose d'enviable. Seulement, il faut essayer de canaliser notre peur, et ne pas la laisser nous submerger... Ce n'est pas toujours évident, je suppose. L'habitude et l'expérience peuvent aussi jouer un rôle dans le processus... Ne t'inquiète pas. Tu arriveras probablement à la contrôler, toi aussi."

C'était sage. Plutôt courageux même. Je répondis à mon tour quand je sentis son regard insistant peser sur moi;

"Oh, j'ai peur Meito. C'est ce qui m'a permis de survivre si longtemps dans le désert. Mais jamais avant un danger. Avant, je vais bien. Après, il est passé, pour le suivant, nous verrons. J'ai peur quand le risque est présent. Et si je meurs alors, j'aurai bien vécu! La peur ne me sert jamais si elle m'empêche d'avancer. Ces gobelins me feront peut-être une frayeur, mais jusque là..."

C'était quoi ce silence?

"Vous imaginez si son grimoire est à moitié vide, ou pire! De vieilles correspondances entre un contrebandier et un marchand?"

Rosae avait l'air un peu tendu. Il balayait nerveusement les environs à la recherche de je ne savais quel ennemi. Nous aurions pu être traqués, mais les arbres et broussailles étaient trop loin pour que qui que ce soit surgisse pour une attaque surprise. Nous pouvions tous nous déplacer de nuit sans la moindre difficulté, ce n'était pas le cas de nombreuses autres races, alors les ennemis potentiels étaient amoindris. Trois d'entre nous, avec la possibilité de  Etais-je vraiment la seule à trépigner à l'idée d'une aventure? Est-ce qu'il sentait quelque chose? Un féral pour la soirée c'était bien suffisant. Qu'est-ce qui pouvait bien nous tomber dessus après tout? Une harpie échevelée?

D'ailleurs. Oui, non, quoi? Comment Rosae pouvait-il voir si bien dans le noir? C'était une évidence, il évoluait avec un naturel inné. Mais précisément; quoi? C'était quoi son espèce au juste?

(Le lac Haelwin)

"Il m'arrive d'avoir peur, Meito, c'est normal, et c'est même sain. J'essaie de ne point le divulguer, c'est tout. N'avoir jamais peur serait par ailleurs une réelle faiblesse et la porte ouverte à l'inconscience et l'inconséquence, ce n'est réellement pas quelque chose d'enviable. Seulement, il faut essayer de canaliser notre peur, et ne pas la laisser nous submerger... Ce n'est pas toujours évident, je suppose. L'habitude et l'expérience peuvent aussi jouer un rôle dans le processus... Ne t'inquiète pas. Tu arriveras probablement à la contrôler, toi aussi."

"Oh, j'ai peur Meito. C'est ce qui m'a permis de survivre si longtemps dans le désert. Mais jamais avant un danger. Avant, je vais bien. Après, il est passé, pour le suivant, nous verrons. J'ai peur quand le risque est présent. Et si je meurs alors, j'aurai bien vécu! La peur ne me sert jamais si elle m'empêche d'avancer. Ces gobelins me feront peut-être une frayeur, mais jusque là..."

Les réponses de mes alliés étaient très différentes, mais me plaisaient toutes les deux. Je pouvais percevoir dans ses mots la carapace de Rosae qui commençait, peut-être à se briser un peu...C'était touchant.
Quant à celle de Ko'...J'avouais ne pas bien comprendre. Bien vécu ? Elle semblait si jeune. Je n'arrivais vraiment pas à me reconnaître dans de tels propos. Moi...J'ai même encore plus peur après qu'avant !

"Vous imaginez si son grimoire est à moitié vide, ou pire! De vieilles correspondances entre un contrebandier et un marchand?"

"Nya ?! A moitié vide, ah cela non ! Je ne veux pas voir des Gobelins pour un truc de trois pages ! Pour les correspondances...Ce n'est pas pire ! Il y aurait peut-être des indices sur l'emplacement d'un trésor !"

Rosae paraissait en dehors de la discussion à ce moment précis. Il semblait nerveux, comme s'il s'attendait à ce que quelque chose nous attaque, mais pourtant, le paysage devant nous était bien calme. Quelque chose pourrait sortir de terre ? Non, hein ! Je ne veux pas me retrouver nez à nez avec le squelette animé d'une taupe anthropophage géante ! Cela suffisait !
Le chemin se déroulait sans encombre, alors n'attirons pas la poisse. C'était après tout le moment idéal pour lancer une conversation plus joyeuse !

"Les copains, par curiosité, quel est votre plus beau souvenir ? Ou l'un de vos plus beaux, si vous ne savez pas choisir ?"

J'attendais leurs réponses avec une pointe d'excitation. J'adorais les anecdotes !

Je sentais le poney me fixer et j'abhorrais cette sensation. Qu'avais-je fait, que me voulait-elle, pourquoi ce regard ?! Je me tournai vers elle, et la fixai d'un regard assez perçant, afin qu'elle dirige le sien ailleurs, sur un autre sujet, ou que sais-je. Je ne suis pas une oeuvre d'art, nul besoin de me dévisager ainsi.

"Les copains, par curiosité, quel est votre plus beau souvenir ? Ou l'un de vos plus beaux, si vous ne savez pas choisir ?"

Le chat avait coupé mon irritation naissante. Les copains ? Allons bon, voilà une nouveauté. Enfin... Dans sa bouche, c'était, j'imagine, volontairement ou non, très mignon.
Mon plus beau souvenir... Lui, bien sûr, ce Soir-là... Mais il aurait été bien impossible de le leur raconter en détail sans révéler ma nature, et il en était absolument hors de question. Mais choisir un autre souvenir... Aa... Ma mémoire peut-être me faisait bien défaut, mais j'avais cette désagréable impression de n'en avoir que des mauvais, neutres tout au mieux. Avais-je été si malheureux ? Oui, cela va sans dire. Mais je n'avais tout de même pas qu'un seul souvenir réellement heureux... Probablement que non, mais la vie et ses déboires les avaient probablement effacés... Je me mis à espérer alors qu'ils resurgiraient un jour. Ou mieux encore, pouvoir en créer de nouveaux, des magnifiques qui resteront cette fois indélébiles.
Mais tout ceci ne répondait pas à la question. Mmmh...

"Dur à dire. Lorsque j'ai rencontré une personne que j'aime infiniment, je dirais. Mais ma mémoire me joue des tours, je ne me souviens plus vraiment des détails (mmmmh le goût de son sang... pensais-je)... Mais les sentiments et émotions restent. C'était un jour fabuleux."

Je ne savais si je m'en étais bien sorti, j'en doutais quelque peu, mais je m'étais efforcé de me montrer le plus naturel possible.

"Qu'en est-il du tien ?"

Je me détendais un peu. Après tout, tout semblait calme, nul besoin de s'alarmer outre mesure...

Pourquoi il me regardait comme ça? C'était comme si il essayait de me dire quelque chose, alors pourquoi il ne parlait pas?

J'allais lui demander comment il se dirigeait avec une telle aisance dans le noir, les humains, les elfes, ne voient pas dans l'obscurité, enfin, il me semblait. Meito avait les yeux perçants des chats des sables qui traînaient leurs dos ronds dans le creux des dunes, cela ne me surprenait pas. Mais, Rosae...

Mais Meito mit un terme à mes divergences de pensées.

Notre meilleur souvenir... Celui qu'avait partagé Rosae -et c'était bien la première fois qu'il partageait quelque chose - était teinté d'une amertume que je ne reconnaissais pas. C'était comme l'un de ces fruits lisses et fermes qui vous appellent et vous laissent espérer un jus sucré, doux, mais la chair est chaque fois plus âpre et plus farineuse qu'à la première bouchée.

Je ne savais pas quoi dire alors j'ai laissé le temps s'éterniser un peu.
Je ne me sentais pas à l'aise de briser cet instant si intime.

Quand Meito appuya suffisament son regard sur moi, j'enoncais tranquillement;

Nul besoin de fouiller ou réfléchir à cela.

"Le jour où j'ai rencontré Rosae et le jour où je vous ai rencontré Khalyra et toi, sans le moindre doute."
Le jour où j'avais quitté la caravane avait certainement été quelque chose, ces heures passées à apprendre la lecture auprès des marchands aussi, mais notre rencontre avait été suffisament incroyable pour balayer tout le reste.

Je me joignais à la demande de Rosae;

"Raconte nous Meito!"

Une petite chauve-souris se mit à voleter autour de Rosae, et ne semblait pas vouloir le quitter. Elle l'avait choisi, il serait le compagnon parfait ! Le petit animal, de tout son cœur, espérait que le beau vampire voudrait l'adopter...

(Joyeux anniversaire mon Vampirou )

Oooh le souvenir de Rosae me semblait si romantique ! Comment était-ce possible d'en oublier les détails ? Est-ce qu'il a reçu un mauvais coup durant son voyage jusqu'ici ? Il faudrait le faire examiner par un mage, c'est louche ! Il ne faudrait pas qu'il lui arrive malheur...

J'étais flatté par celui de Ko', mais elle aussi, c'est de la mémoire à vraiment court terme, nya !

"Aaaah c'est trop mignon, Ko' ! Mais c'est hyper récent, ce n'est pas un souvenir, chat ! Tu n'as rien de plus ancien ? Dans ton ancienne vie ?"

Quant à moi...
Dur à dire...

Tous les moments passés avec Laya avaient été précieux, comment en choisir un ?
Je réfléchissais, lorsqu'une chauve-souris vint soudainement voleter autour de Rosae. Après un léger sursaut, je me rassurai : cette créature paraissait amicale ! Peut-être avait-elle faim ? Est-ce que cela boit du lait, ces trucs-là ? En tout cas, elle n'avait d'ailes que pour mon ami !

"Mon plus beau souvenir...Tous ceux passés avec mon maître le sont ! Mais un des premiers qui m'a marqué, est lorsqu'il est revenu d'un petit voyage à Gailys. Il m'avait apporté une bouteille de lait frais dont ils ont la spécialité, c'était la première fois que je buvais un breuvage aussi délicieux, même comparé aux autres laits ! Un délice ! Et puis il y a aussi le jour où il m'a offert mes bracelets -(Je les secouais fièrement en levant mon bras, afin de leur montrer)- il a dit qu'ils portaient bonheur, et puis aussi... Nya, je parlais trop, non ? Pardon ! ...Mais je crois que la chauve-souris est amoureuse de toi, Rosae !"

Sourire aux lèvres, je regardai la scène, a mi-chemin entre un sentiment attendri et amusé.

Sa rencontre avec nous... Hmm. Etait-ce considéré comme un souvenir ? Une envie peut-être de ne point trop s'engager sur une voie personnelle ? Nous ne connaissions rien d'elle, après tout. Ni du chat, ceci dit, mais par sa nature volubile, il me semblait moins secret. Cachait-elle quelque chose ? Nous avons tous des secrets... Mais je n'étais guère à l'aise avec le regard qu'elle m'avait porté auparavant, dans le silence le plus complet. A quoi pouvait-elle penser en me fixant ainsi ? Oublie-moi, intéresse-toi plutôt au Neko, je ne désire attirer ni attention, ni questionnement. Aa... Je me montrais bien méfiant, elle n'avait après tout jusque là fait preuve d'aucune once d'hostilité à notre égard, nul besoin de se montrer si suspicieux. Au fond, il était possible qu'elle n'eut souhaité, en toute simplicité, que nous octroyer un compliment pour le moins flatteur.

Je n'eus le temps de me plonger davantage dans mes songes, lorsqu'un curieux volatile fut pris d'envie de voleter autour de moi. Volatile ? Ah, une chauve-souris. Salutations, l'ami. J'adorais ces créatures de la nuit, si souvent injustement méprisées, à l'image de ma race, dont elle en était l'illustre mascotte. Je décidai alors de laisser faire l'animal, en écoutant le souvenir de Meito, il devrait se rendre compte qu'il n'y a rien d'intéressant à manger autour de ma tête.
Malgré tout, il ne cessait point, ce que le chat ne manqua pas de me faire remarquer. Je levai les yeux au ciel.

"Que se passe-t-il ? As-tu faim ? As-tu peur ? Très bien. Tu peux rester avec moi, si tu le souhaites, mais par pitié, change de trajectoire de vol !"

Je ne sais pas si mon nouveau petit compagnon avait compris, ou s'il s'était tout simplement lassé dans une synchronicité parfaite, mais il s'accrocha fermement à la crinière de ma monture, et se laissa pendre de tout son petit corps dodu, dodelinant à chacun des pas exécutés par son hôte. Mignon. Il faudra réfléchir à propos d'un nom, je suppose.

Avant cela, je revenais au Neko.

"Tu sembles très attaché à ton maître. Ce sont de beaux souvenirs. Tu es en quête d'un nouveau foyer, ce me semble, n'est-il pas ? N'as-tu crainte de ne réussir à autant aimer ton nouveau... partenaire de vie, par rapport à l'ancien ?"

Je me retournai vers la Centaure.

"Et toi, que faisais-tu avant notre rencontre ? Des choses te manquent-elles, de ta vie passée ?"

Attendant leurs réponses, je fixai la petite chauve-souris apaisée. Je l'aimais déjà.

Je trottinais à la hauteur de Rosae en diminuant l'allure à son niveau pour ne pas effrayer la petite chauve souris.

Elle ne bougea pas d'une oreille quand je lui répondis posément;

-Avant je me debrouillais pour échapper aux serpents, aux scorpions, et voyageais dans le désert. J'aimais bien la chaleur et le sable, c'était plus confortable pour mes sabots. Des generations entières n'ont pas quitté les dunes, mes ancêtres y sont nés, nos pieds ne sont pas adaptés aux sols durs.

Mon regard passa successivement sur mon interlocuteur et sur Meito qui observait curieusement tout ce qui l'entourait. Son poney remuait tranquillement les oreilles.

Il était logique qu'un félin puisse se diriger avec aisance dans l'obscurité, nous centaures, y étions dans notre élément au même titre mais les humains...

Mes humains ne sont pas aptes à une telle aisance la nuit.

Je m'eclaircis la voix et osais légèrement;

-Comment fais-tu pour voir si bien la nuit? Les humains qui m'ont appris à lire avaient toujours besoin de feu à la nuit tombée. On voyait moins bien les étoiles pour nous guider. Il y a de la magie ou des potions pour ça? Comment c'est quand vous ne voyez pas dans le noir? C'est comme quand on ferme les yeux?

Je le sentis se rendre légèrement et contemplais le ciel en attendant sa réponse dans une expectative curieuse.

La chauve-souris rondouillarde était définitivement trop craquante ! On aurait dit une petite balle, avec laquelle nous pouvions jouer, nya ! C'était un amusant petit compagnon !
Tout en fixant, amusé, l'animal, j'écoutais attentivement mes amis bavarder. Des serpents et des scorpions...Brrr ! J'ai peur ! Comment était-il possible de vivre et évoluer dans un tel endroit ?! Je comprenais son envie de partir et de découvrir un monde bien plus verdoyant. Des scorpions... Enfer.

"Tu sembles très attaché à ton maître. Ce sont de beaux souvenirs. Tu es en quête d'un nouveau foyer, ce me semble, n'est-il pas ? N'as-tu crainte de ne réussir à autant aimer ton nouveau... partenaire de vie, par rapport à l'ancien ?"

Je fus pris d'une certaine mélancolie. Je ne m'étais jamais posé de question quant à l'attachement envers mon futur maître...Mais maintenant qu'il relevait ce point...

"Oui, je voudrais trouver un nouveau foyer, où me poser et boire du lait à volonté, tous les jours, sur des coussins ultra moelleux ! Mais...Tu as raison. Je ne pourrai jamais autant aimer un nouveau maître que j'ai aimé Laya...Mais...Je veux seulement qu'on s'occupe bien de moi. Je n'attends rien de plus..."

Je ne voulais pas plonger de nouveau dans des heures sombres, alors je secouai la tête, et tentai de me concentrer sur autre chose. Finalement, je me dis que nous nous étions bien trouvés. Nous semblions très seuls tous les trois, et maintenant, nous avions d'autres personnes sur qui compter, pour nous accompagner sur notre route. C'était beau. Trois âmes solitaires qui s'unissent amicalement...Ca m'inspirait bien des compositions musicales ! Je penserai à les gribouiller lorsque nous serons dans un endroit calme et...stable. Je caressai mon gentil cheval.

Mine de rien, nous avions parcouru une certaine distance depuis notre départ de la ville. Le temps passe toujours plus vite lorsque nous sommes bien accompagnés ! Le chemin commençait à devenir un peu différent. Il était toujours très fleuri, c'était agréable d'ailleurs, mais ses fragrances étaient différentes. Cela m'a d'ailleurs valu un petit éternuement ! Mais c'était si joli...

(Les routes enivrantes)