Le bosquet

Un petit bosquet est situé avant la forêt d'Ysahna.
D'apparence frêle et sans danger, la lumière qui y pénétrait en journée était fabuleuse, les rayons du soleil semblait remplis de particules féériques, donnant à ces petits bois un air enchanteur, presque irréel.

Cependant, il est dit que nombreux aventuriers décidant d'établir leur campement pour la nuit en ces lieux n'ont jamais été revus depuis...

(Le chemin fleuri)

Quel vacarme pouvait bien faire ces anthros. Question discrétion, nous repasserons... Enfin, qu'importait. Du coin de l'oeil, je surveillais le Neko afin qu'il ne s'éloigne pas trop, il ne semblait en rien être habitué à la vie sauvage, et j'avais peine à l'imaginer errer seul dans les bois, non que tout ceci me concerne, mais s'il s'égarait, il était absolument certain que les autres iraient le chercher, m'entraînant dans cette histoire contre mon gré. Le temps était bien trop précieux, autant alors chercher à éviter l'évitable. Les bardes...
L'alchimiste n'était pas en reste avec sa quête de plantes, lui aussi pourrait facilement s'égarer. Cependant, j'étais moins inquiet à son sujet, ces créatures ont d'avantage l'habitude de vivre dans ce genre d'endroits.
Il fallait que je me détende... Chaque brindille que le poney... écrabouillait, il n'y a guère d'autres mots ce me semble, faisait naître en moi des tensions dont je me serais bien passé. Je crois que l'élémentaire avait activé plus de stress en mon âme que ce que je voulais bien admettre. Mais c'était terminé. L'endroit était enchanteur...

Quelques lucioles, ou peut-être étaient-ce des fées ? voletaient, créant une atmosphère magique et colorée, parmi les fleurs qui l'étaient tout autant en ce cadre boisé. Quelques tintements de clochettes, le son d'un faible cours d'eau -dont l'on ne s'approchera pas- se faisait entendre à proximité. Je fermai les yeux un instant et poussai une profonde inspiration. Bien. la priorité maintenant était de trouver des fruits. De par mes origines, je n'avais nul besoin de nourriture humanoïde mais je m'en étais toujours sustenté, par gourmandise certaine. Qu'il était bon de varier les saveurs... Le sang bien sûr avait mille et une saveurs, mais ce n'était guère comparable. Et puis... Je n'aimais guère planter mes crocs dans la chair d'autrui... (Monstre...Monstre...), qui sait où ils avaient bien pu traîner auparavant... (Monstre.)
Je secouai la tête, chassant ces pensées, et scrutai les lieux. Je ne voyais point de baie, ni autres fraises sauvages. Je tournai alors mon regard vers l'herboriste, il était probablement plus à même de trouver de quoi nous contenter. Il s'agissait de ses compétences, après tout. Alors, qu'il soit utile, pfu.

"Messire Eladrin, auriez-vous l'obligeance de nous trouver des fruits ?"

Je balayai le groupe du regard une dernière fois afin de m'assurer que tout le monde était bien présent, laissant mon ouïe en alerte me prévenir du moindre danger.

(Le chemin fleuri)

Je regardais d'un air amusé Meito jouer avec un écureuil. Il semblait si insouciant ! A l'inverse du joli noble qui était bien silencieux. Certes, je suppose qu'il n'a jamais été un grand bavard comme il nous décroche deux mots une fois toutes les trois heures, mais tout de même. Ces regards vifs balayant le paysage transpiraient une certaine inquiétude, mais peut-être me faisais-je des idées car il n'en laissait rien paraître. Oh et puis, peu importe ! Qu'il se détende, on sera là pour le protéger s'il faut. J'ai mes bombes.

"Messire Eladrin, auriez-vous l'obligeance de nous trouver des fruits ?"

Ah ? Moi ? Sa voix m'avait coupé de mes pensées. Messire ? Je n'ai rien d'un noble ! Mais je suppose que c'est ainsi qu'ils s'expriment, alors pourquoi pas, c'est flatteur ! Des fruits, des fruits, bien sûr ! J'avais faim moi aussi et ce serait le bon moment pour mettre en avant mes compétences culinaires !
De toute évidence, il n'y en avait pas dans cette partie du bosquet, alors je choisis de m'engouffrer un peu plus. Il y avait moins de scintillements sur ce petit chemin, mais l'odeur sucrée des mûres commençait à émaner. Mais où est-ce qu'elles pouvaient bien être... J'avais beau regarder, aucune trace de ces petits fruits convoités. Ah, youpee, des ronces, c'était bien ma veine... Mais par expérience, je savais que notre goûter se trouvait très probablement derrière. Je sortis ma dague pour me battre avec ces lianes de l'enfer, aïe saletés !!! profitant au passage pour récupérer quelques épines. Quoi ? Si, ça pouvait toujours servir, vous ne vous rendez pas compte ! Il n'est tel pour composer certaines potions un peu obscures. Bon... C'est bon ! Je les ai !
Je ramassai bon nombre de ces fruits et allai m'installer un peu plus loin, dans un endroit plus dégagé. Et plat. Avant d'appeler les autres à me rejoindre. Je sortis quelques herbes et fleurs séchées de mes pochettes de velours pour agrémenter notre repas de fortune. En les servant du mieux possible, dans des feuilles jugées propres, je regardai Ko.

"Et si nous reparlions de ces crins ? Es-tu toujours partante pour m'en donner ?"

Je goûtais les mûres en attendant sa réponse. Un délice.

Le petit Neko s'était évaporé à la seconde où je nous avais ébroués! Eh bien, c'était surprenant. Peut-être était-il comme mon premier compagnon. J'imagine qu'il faudrait souvent trouver des lacs. L'odeur musquée des végétaux humides et de la terre meuble flottait tout autour. Je réalisais maintenant à quel point ces paysages avaient pu me manquer. J’aimais ces étendues de sable brulants et les dunes rouges, incandescentes. Seulement, ces étendues herbeuses étaient vraiment reposantes et les bruits différaient, le moindre bruissement mettait mes sens en alerte, c'était grisant.

Je me sentais triste pour la caravane qui ne connaitrait jamais que les dunes et les marches sous le soleil. Et à mesure que nous avancions, je voulais toujours plus. Quand mon premier compagnon eut mentionné les fruits, je ne m'étais certainement pas attendue à de tels végétaux! Leurs peau était fragile, brillante, lisse, leurs veines apparaissaient sur la chair qui semblait juteuse...
Je n'avais jamais rien mangé de tel. Je remerciais silencieusement mes compagnons. Jamais je n'aurais osé gouter à ces étranges aliments s'ils n'avaient pas été ici. Les seuls fruits que j'avais jamais mangé se résumaient à des dates sèches,pateuses et bien trop sucrées.

Mon cœur se gonfla quand le blond nous invita à se joindre à lui. Je n'avais jamais imaginé cette zone du continent, si loin de la notre, aussi chaleureux. J'avais seulement envie, à cet instant précis, que je souhaitais au plus profonde de moi que notre étrange caravane un peu dépareillée ne se disperse jamais.
Je me couchais tranquillement avec une grâce que je ne me connaissais pas et acceptais chaleureusement les tranches qu'il me tendait.

"Et si nous reparlions de ces crins? Es-tu toujours partante pour m'en donner?"

Il ne perdait pas le nord. Je devais lui céder cela! Je voulais toujours mes herbes. Mais après tout, je n'avais reçu ces rêves que très récemment... Cela pouvait très certainement attendre un moment. Je me contentais de lui en arracher une petite poignée en un bruit sec et lui les tendis.

J’espérais seulement qu'il en fasse bon usage. La sève ou le sang de ces fruits murs glissaient sur ma langue, c'était frais, sucré, et certainement la meilleure chose que je n'avais jamais mangé. Je me surprenais presque à imiter le bruit sourd du neko quand il se reposait sur ma croupe.
C'était délicieux.

(Le chemin fleuri)

Des fruits ! Tout ronds, en plus ! Je réprimais difficilement l'irrésistible envie de jouer avec. C'était rond...! Mon maître désespérait toujours lorsqu'il ramenait des aliments ronds : baies, champignons, il m'est arrivé de nombreuses fois également de casser quelques oeufs...Alors j'avais appris à me contenir. Mais c'était tellement tentant !
Je m'assis par terre, contre Ko', c'est que c'était confortable ces grandes bêtes ! J'aimais le côté rembourré et moelleux de mon "dossier". Doux, et chaud, j'étais maintenant bien installé pour déguster ! Je remerciai Khalyra, et finalement, je ne sais si déguster était le mot juste...Alors que les autres mangeaient avec noblesse et élégance, je mettais du jus partout autour de ma bouche en les prenant trois par trois, mais c'était tellement bon ! L'herboriste était courageux, affronter ces griffes végétales...Je n'y aurais pas plongé mes pat...mains ! Non, non !

Repu, je m'allongeai un instant. J'avais envie d'en apprendre d'avantage sur mon nouveau groupe de fortune. Parce que, c'était un fait, personne ne m'avait encore répondu à la question de s'ils avaient un logement ! Je les questionnais tous, sur leurs origines, leur lieu de vie, et attendais avec intérêt leurs réponses...Ces gens me fascinaient. Comment pouvait-on vouloir partir sciemment à l'aventure ?! Ils devaient avoir une bonne excuse, eux aussi...

"Pourquoi êtes-vous partis de chez vous ? Où est-ce que vous allez ? Pourquoi ?"

Je me tournai vers le le magnifique et taciturne petit noble :

"Et toi, comment tu t'appelles ?"

Ces mûres étaient réellement exquises, elles valaient bien la peine d'offrir quelques griffures sur les mains précieuses de Khalyra. Il avait également su les agrémenter à la perfection... Intéressant. Si l'envie lui prenait, il pourrait tout à fait obtenir le rôle de cuistot dans no... notre groupe. Soupir.
Et quel groupe...
Un alchimiste déjanté, un poney encombrant, un Neko peureux, et vraisemblablement affamé, au regard du jus qui était étalé partout autour de ses lèvres, et moi... Quel drôle de destin. Je me demandais ce qui avait poussé l'Univers à nous réunir, moi qui n'aspirais qu'à la solitude. Pourquoi ? Il paraît que les choses n'arrivent jamais par hasard. Qu'attendait-il de nous ?
Le flot de questions du jeune homme gourmand me sortit de ces songes éthérés.

"Pourquoi êtes-vous partis de chez vous ? Où est-ce que vous allez ? Pourquoi ?"

Si je le savais...

"Et toi, comment tu t'appelles ?"

... Bien sûr, je mourais d'envie de me présenter... Quelle immense joie. Que nous fassions un bout de chemin était une chose, que nous nous rapprochions en était une autre. Enfin... Soit.

"Bella. Noblis. Rosae. Rosae pour les amis, donc... Vous ne m'appelez pas."

Au fond, il était tout de même mignon ce petit Neko. Mais hors de question de se laisser approcher.

"Quant au reste de tes questions, je ne souhaite y répondre. A chacun son jardin secret. Le mien est rempli des roses d'Edhenys, et de leurs épines."

Sur ces mots, je me levai et fis quelques pas aux alentours. La forêt qui s'étalait derrière nous semblait dense et je me demandais si elle pouvait être un raccourci, s'il ne serait pas plus doux de l'emprunter, plutôt que ces... routes... quotidiennement remplies de malotrus indélicats.
En fermant les yeux, je sentais la magie, comme un appel... Pour sûr, j'étais méfiant. Qui pouvait savoir ce qui se cachait dans les fourrés... Mais autant que possible, je souhaitais éviter le monde, les gens... Avant d'arriver à la capitale. Respirer avant d'affronter.

"Que diriez-vous de passer par la forêt ?"

Le Neko n'avait pas tardé à se lover contre mon flanc et entamait son repas avec appétit. Si il devorait ces fruits de la sorte, je me demandais bien quel sort il pouvait réserver au lait.


"Pourquoi êtes-vous partis de chez vous ? Où est-ce que vous allez ? Pourquoi ?"

Étrangement ce fut mon premier compagnon qui répondit à ses interrogation. Partiellement au moins.

Rosae...
Il avait une voix sombre, légèrement brisée. Je ne savais pas d'où il venait, mais certainement de loin.

Je ne pris même pas le temps de répondre à sa question. Une sphère jaune et luminescente se balançait au dessus de nous.
Les veines qui serpentaient sous sa surface organique luisaient à chaque mouvement.
J'avais décidément envie de m'en approcher... Cela semblait trop organique pour être un "fruit" mais je ne connaissais pas encore toutes les espèces. En vue des légers mouvements qui bourdonnaient sous sa surface, je n'avais pas vraiment l'envie de mordre dedans. Cela semblait trop... Vivant.

"Que diriez vous de passer par la forêt?"
Je n'avais entendu la voix fatiguée de Rosae que d'une oreille;

...
Vivant.

Je saurais sur mes jambes en oubliant presque Meito et me rapprochais dangereusement de la bille jaune, ma lance fermement empoignée... J'avais vu trop de prédateurs user de ces ruses dans le désert.

Alors la sphère s'immobilisa et deux yeux noirs s'illuminèrent entre les feuillages.

Par les sanglantes dunes rouge de...

La créature s'extirpa de sa cachette en faisant brosser les feuilles et atterrit sur le sol meuble avec un bruit sourd, les babines retroussées pour dévoiler des rangées de crocs qui n'en finissaient plus.

Nous n'étions pas les seuls âmes affamées à chercher un repas ici.

Ils aimaient mes mûres ! Je ne pouvais cacher une certaine fierté, il n'y a pas de petite victoire !
Je me posai et les observais en silence, sourire aux lèvres. J'étais émerveillé par les réactions des gens. Tous aimaient, et pourtant, pas un n'agissait de la même façon que l'autre. C'était fascinant... C'était étrange, mais j'avais déjà un attachement certain pour ces gens que je venais de rencontrer ce matin-même. La vie était surprenante.

Je m’apprêtais à répondre aux questions de Meito, pour ne pas le laisser sur les réparties froides et agacées du beau noble enfin nommé, lorsque Ko' se releva brusquement, manquant d'envoyer valser le pauvre Neko quelques mètres plus loin, heureusement que ces créatures retombent toujours sur leurs pattes ! Non ? Ce ne sont pas les mêmes ? A peu de choses près... Ca aurait pu fonctionner !

Je ne sais pas ce qu'elle avait fabriqué, mais une créature nettement moins attachante nous menaçait à présent. J'avais encore quelques bombes, j'espérais que ce soit suffisant, car il me faudrait vraiment un moment de tranquillité pour pouvoir en fabriquer de nouvelles après ça. J'adorais ce que je faisais, mais parfois, je me disais que je n'avais vraiment pas choisi la voie la plus simple...
... Mais ces crocs étaient intéressants. J'avais une envie furieuse d'en étudier un ou deux.

Bon, et bien... Bombe ?
Héhé, touché !

Mais...Je n'avais pas fini de manger...
Le goûter avait été interrompu de façon bien rude ! J'ai à peine eu le temps de réaliser ce qu'il se passait. Je repris rapidement mes esprits et remarquai la créature qui se tenait devant nous. Oh, un gros chat avec une sphère brillante au bout de la queue ! Ce n'était pas banal. Peut-être était-ce un cousin éloigné ?
Je m'approchai de l'animal, amicalement. Je me dis que nous l'avions sûrement effrayé, et qu'il était normal qu'il soit sur la défensive !

"Coucou cousin ! Nous ne te voulons aucun mal ! Nya !"

Mais ses babines restaient soulevées et le grondement retentit... Je reculai de quelques pas, mais c'était trop tard, mon agilité n'avait pas pu m'aider cette fois, je sentais son corps lourd sur le mien, après m'avoir fait chuter, et son haleine fauve traumatiser mes narines. Je ne pouvais pas attraper mon instrument, aucune mélodie ne pouvait alors me sauver. J'étais terrifié...

D'une voix tremblante et faible, j'interpellai mes compagnons.

"Au secours..."

Notre alchimiste avait eu le mérite d'être... Réactif, j'avais à peine eu le temps de me préparer qu'il lui jetait déjà ses bombes artisanales. Il faudrait que je lui demande quels ingrédients il pouvait bien mettre dans ses préparations...

Meito s'était timidement approché de la créature et avant que je puisse tenter le moindre mouvement, en un battement de coeur, il s'était retrouvé sur le corps musclé du félin massif.

Meito. Je le connaissais à peine mais la simple vue de mon compagnon sous les pattes larges et griffues firent se dresser mon poil.

Je fis la première chose qui me passe par la tête; je n'avais pas.la certitude que'ma.lance puisse traverser sa peau épaisse.
Je lui jettais une ruade bien placée;

Un sabot percuta sa gueule, le second heurta son épaule, juste assez pour me permettre de tirer le Neko loin de son emprise. Plus tard je lui dirai combien sa tentative aura été courageuse. Meito, tout tremblant tenait à peine sur ses jambes et le gros félin siffla de rage.

Campée solidement sur mes jambes j'attendais patiemment le prochain mouvement.

Meito...
Mon coeur n'avait fait qu'un bond dans ma poitrine, et je me sentis empli de peur pour ce chaton, puis de rage envers la créature qui avait osé l'attaquer. Heureusement, Ko' avait eu un bon réflexe et avait pu l'extirper des pattes mortelles de son assaillant. Mais quelle idée aussi de souhaiter sympathiser avec une chose aussi menaçante ! Il était totalement inconscient, voilà le résultat lorsque nous donnons trop de notre confiance...
Afin d'être certain qu'il ne lui arrive rien mais me jurant de ne pas lui en faire part, je me plaçai devant lui, afin de faire barrage. Cette créature ne le toucherait plus jamais. L'ombre gagne toujours face à la lumière. Voyez...
Mes sombres et nocturnes compagnons nés de mes mains entouraient la bête, qui ne savait plus où donner de la tête. Une danse dangereuse était entamée, et ses crocs les transperçaient mais ne les atteignaient pas. Marionnettes fantomatiques... Maintenant.
L'étreinte se resserrait, les ombres devenaient palpables, et envoyèrent ce rejeton démoniaque s'écraser contre l'arbre d'où il était descendu. Il était à présent un rien... sonné. C'était le moment.

Rosae n'avait pas attendu une seule seconde pour convoquer ses... Eh bien ses...
En tout cas c'était efficace et la créature gémissait faiblement contre le tronc rugueux alors que mon compagnon l'y avait projeté.
Meito était en sécurité, sain et sauf.
Je detaillais son regard effrayé et ses oreilles basses, tremblantes.
Au moins sauf.

Je lançais un regard entendu à mon premier compagnon qui me surprenait décidément de plus en plus et chargeais, ma lance se logea directement dans l'abdomen palpitant.

Je ne sentais plus la créature bouger au bout de ma lance qui avait fini de l'epingler sur l'arbre alors que les ombres la maintenaient en place.

La dernière bombe abandonnée éclata à proximité et le corps ne cilla plus. Le souffle court, mes sens encore en alerte, je vérifiais les alentours, de crainte qu'un autre individu se cache entre les végétaux.
Je me contentais de deloger mon arme sans me soucier de l'or qui degringola entre ses crocs et sectionnais proprement sa queue.

Je vérifiais mes bras striés de blessures encore tièdes. La bête était certainement robuste et s'était bien battue...
Je
Cela m'étonnait presque... Son dernier souffle semblait... Trop simple.

En chassant la sueur qui avait perlé mon front je me contentais de soupirer;

"Je garde ça si vous n'y voyez pas d'inconvénients."

Je me tournais résolument  vers Meito qui tremblait encore comme une feuille tendre et me couchais à côté de lui en lui tendant le bras.

"Alors. Tu viens?"

Je...
Tout était allé très vite. J'avais vu ma vie défiler devant moi...Je n'avais pas de mot, pas de réaction, j'étais figé. Je me sentais si minable à côté de ces grands guerriers...L'alchimiste, le mage nécromant, la...guerrière ? Tous avaient réussi à se battre, à se défendre, avec une telle vitesse, un tel sang froid. Je me devais d'être plus courageux, pour ne plus être le fardeau du groupe...

Je vis Ko' me tendre le bras, je me précipitai alors pour aller lui faire un câlin, puis me suis rendu compte après cela qu'elle m'invitait en fait à monter sur son dos...Rose de honte, je me hissais, et posai ma tête sur sa croupe afin qu'elle ne puisse pas voir ma gêne. Quel boulet !
De là, j'observais la carcasse encore chaude de la créature qui nous avait attaqués. C'était si gros...Comment allons-nous pouvoir survivre dans la forêt, si elle était remplie de telles bestioles ?
Je remarquai les égratignures sur mes compagnons, et moi-même ayant été un peu amoché. J'attrapai mon instrument, et une douce musique apaisante nous entourait...Là, j'étais bien. Serein. Si je pouvais servir au moins un peu à cela...Les notes virevoltaient, et comme tout le monde le sait, la musique soigna les plaies.

Je fis remarquer à mes compagnons les quelques pièces d'or abandonnées au sol, et leur dis de se les partager, je ne m'estimais pas en mériter.
Je m'écroulai sur la croupe confortable de mon amie Centaure. Si fatigué...

Fini... Enfin.

Je n'avais presque plus de bombes, je signalai à mes compagnons qu'il faudrait que nous nous posions quelque part durant une petite heure afin que je puisse en fabriquer de nouvelles. Je sentais une douce chaleur parcourir mon corps, et je reconnaissais déjà la magie du Neko. Merci, chaton !
Me sentant bien dans mes membres, je m'approchais de la gueule de la créature inanimée, afin de déchausser l'un de ses crocs. Impressionnant... Intéressant... Passionnant !
Et l'or, bien sûr. Je ramassai les 8 pièces, et en donnai 4 à Rosae et 4 à Meito. Le croc me suffisait et Ko' semblait se satisfaire de la queue lumineuse. Soit ! Meito semblait beaucoup se dévaloriser. J'en étais triste.

"Tu mérites cette récompense autant que nous, et même plus encore. Tu as été très courageux, et tu soignes nos plaies ! Tu es un merveilleux Neko."

Je ne pus m'empêcher de lui caresser la tête, mais il est tellement mignon, je vous mets au défi d'y arriver !
Je m'adressai ensuite à la Centaure :

"Merci aussi pour les crins, gente dame ! Je te dois quelques herbes, tu me diras ce que tu cherches".

Tout à coup, un petit enfant elfe arriva en pleurant et serra très fort Rosae. Les larmes coulaient et vous avez peine à entendre ce qu'il disait...
Il se mit alors à caresser les jambes du Centaure, qu'il prenait pour un grand poney, et arriva à articuler :

"On..Il y a...Une méchante personne a piétiné toutes les décorations de notre petit village...A ruiné les champs de citrouilles...Là, serré nos costumes...*Snif*...Nos grands essaient de réparer...Mais la Lanterne du village, avec un fantôme gras-vait a été emportée par le méchant homme...*Ouin*...S'il vous plaît...Ramenez-la...Notre village est dans la forêt si vous voulez chercher des...des...nains dix mes parents ont dit...*Snif*...On vous offrira des costumes...S'il vous plaît...Aidez-nous...C'est bientôt le jour de la Fête..."

Que... Hee ? Qu'est-ce que c'était que cette nouveauté, encore. N'y a-t-il pas moyen de souffler 5 minutes ?!
Mais... Mais lâche-moi ! Un gamin, fichtre ! Horreur ! C'est ça, va plutôt caresser le poney.

... Des larmes... Il a l'air d'y tenir à cette fête...
Une lanterne, un fantôme... Tout ceci plaisait bien aux ombres... Peut-être Le connaissaient-ils...
Bon. De toute façon, je souhaitais passer par cette forêt. Autant aller jeter un coup d'oeil. Cela ne coûte rien.

... Allez, bambin. Arrête de pleurer...

"Oui. Nous allons voir cela de plus près."

Un village, c'était merveilleux ! Voilà où se poser un peu, le temps de fabriquer mes bombes, tout en aidant les habitants. Enfin en essayant du moins ! Je savais que mes compagnons chercheraient les premiers indices pendant que je surveillerai ma préparation, et j'avais maintenant confiance en eux : s'il y avait un problème à trouver, ils le trouveront.
Mais nous saurons toujours le résoudre également !
De toute façon, nous n'avons pas le choix. On ne peut pas laisser un enfant pleurer tout seul, comme ça.
...Si ?
Non ! C'est parti ! Je vous suis, mes petits papillons ! Si même Rosae était d'accord, c'est que ça devait valoir le coup d'oeil !

Meito s'était précipité sur mon dos, il s'y était écroulé immédiatement. Le pauvre était épuisé... 
J'examinais tranquillement le reste du groupe. 

La sueur ne perlait même pas sûr le fond de Rosae qui restait décidément digne quelques soient les évènements. Khalyra fidèle à lui même avait prélevé un croc et semblait bouillonner sur place.


Une fois de plus nous pouvions nous estimer chanceux. La rencontre n'avait pas été si traumatisante. Je vérifiais Meito à cette pensée.

Eh bien... Pas pour tous.

Alors que j'espérais que nous puissions prendre un peu de repos, une voix larmoyante s'était élevée dans le sous bois et avant que je ne puisse réagir, une petite main flattait mes jambes. Je manquais de bondir sur le coup de la surprise mais avoir ce pauvre Meito couché sur ma croupe avait brimé mon réflexe. Il en avait bien eu assez et je n'allais certainement pas le faire bondir sans avertissements.

Mais par l'oasis aride de... Quoi encore?!
Je jetais un regard à mon premier compagnon qui avait l'air aussi désarmé que moi.


J'avais manqué d'expédier un coup de sabot dans ce qui s'était trouvé être un enfant et renaclais, frustrée, en me dégageant de son toucher. Cela m'empêchait de penser.

Il pouvait bien être ce qu'il voulait, mais personne n'était autorisé à me caresser de la sorte, en particulier après une lutte. 

Il me semblait que Meito nous suivrait où que nous allions de toute façon, sans compter que pour l'heure, il tremblait encore temps que je doutais qu'il puisse marcher.

Je ne pouvais certainement pas m'opposer à l'idée de découvrir un nouvel endroit.  Je vérifiais le petit Neko qui paressait sur mon dos et souris tendrement.

Les herbes allaient devoir attendre et mes totems aussi. Je brulais de pouvoir enfin sentir de nouveaux muscles et de nouvelles possibilités, cependant... Un village suffirait à satisfaire ma curiosité. Nous aurions tout le temps pour ces herbes. Plus tard.

Il me tardait de voir où ce voyage nous mènerait...

Un village ? Des costumes ? Ils auront peut-être du lait !
Oui oui oui, je suis partant ! De toute façon, je n'ai pas à bouger une patte...Hourra pour les transports en commun ! J'allais pouvoir me reposer un peu avant d'arriver à ce village, j'espérais par contre qu'il n'y aurait pas d'autres monstres d'ici-là...Cela suffisait, la peur ! Un peu de tranquillité (et du lait !) que demander de plus... S'il s'agissait de retrouver un voleur de lanterne, je pense que ce serait facile pour mes compagnons qui n'ont peur de rien, nya !

Je regardais les expressions de mes... compagnons... de route. De toute évidence, nul d'entre eux ne s'opposaient à aider cet enfant et son village. Ce serait tout de même malheureux. Moi-même j'en serais très désagréablement surpris.
Alors, je pris silencieusement le petit chemin qui semblait s'enfoncer dans la forêt. Mille et une pensées voguaient en mon esprit, et pourtant, je n'arrivais à n'en capter réellement aucune. Là, sans être là. Las, assurément. Je voulais penser à Son visage, mais ses contours étaient si flous...
Aurais-je déjà faim pour sentir cette faiblesse ? Une faim réelle s'entend. Je m'étais sustenté il n'y a pas si longtemps, pourtant... Ou peut-être que si ? Le temps me semblait biaisé. Je n'aurais pu dire combien de temps s'était écoulé, depuis mon dernier... repas. (Monstre.)
Il ne fallait plus y penser. Trouver un point au loin, et se fixer dessus. Concentration. Ce n'était pas le moment de faillir...
Je n'avais aucun humanoïde sous la main, outre ce groupe, et il était impensable que je plante mes crocs en l'un d'eux. Non. (Monstre !) Je devais me cacher d'eux. Je n'avais que faire de la solitude, je la chérissais, même. Le rejet, lui par contre, brisait mon coeur en des milliers de morceaux. Je ne pouvais pas leur laisser l'occasion... Que faire...
J'espérais qu'au village, il y aurait quelques recoins pour voler à un Elfe imprudent quelques gouttes de sa précieuse essence vitale. Rien de plus que ce qu'il me faudrait pour regagner la totalité de ma forme.
Envahi par mes pensées, je ne remarquai pas que nous avions déjà pénétré dans la forêt ô combien féérique...

(La forêt d'Ysahna)

Je suivais Rosae et ne pouvais m'empêcher de l'observer. Il était tellement silencieux... Il l'était toujours, mais son air semblait différent. Un air grave. Même si je le connaissais peu, je me retenais de lui poser des questions, même si je m'inquiétais : je savais qu'il n'y répondrait pas. Les humanoïdes sont toujours si complexes, comment savoir ce qu'ils ont réellement dans la tête ? Parfois, je voudrais savoir lire dans les esprits. Ce devait être passionnant !
La végétation ici était de plus en plus dense, et marquait l'entrée de la forêt, je ne pouvais cacher une certaine excitation : il devait y avoir des centaines de plantes et autres matières intéressantes, voire rares, là-bas ! Je me demandais aussi si les petits villages elfiques étaient si différents de la microscopique bourgade eladrine forestière de mon enfance. J'y pensais souvent, malgré tout.
Mais la hâte de découvrir de nouvelles choses prenait toujours le dessus, et c'est le coeur léger que j'entrais dans les bois.

(La forêt d'Ysahna)

Rosae semblait... Torturé. C'est seulement que je réalisais que, contrairement à nous, il n'était pas seulement naturellement ronchon ou maussade, mais était dans une étrange maîtrise. Je doutais qu'il faille le jeter dans un lac à ce stade, c'était différent de ses humeurs habituelles.

Habituelles... Étrange pour un groupe que j'avais seulement rencontré. Il fut le premier à disparaitre dans l'epaisse forêt.

Au fond, il me faisait penser à mes plus grandes détresses alimentaires. Quand le désert n'offrait plus rien sur des kilomètres, quand il me fallait me réduire à écorcher un fennec ou avaler les scorpions que je trouvais sur les flancs brûlants des dunes. C'était mauvais. Et leur chair ne me nourrissait pas vraiment. J'avais toujours faim. C'était ces moments d'absence et de désespoir quand je craignais que mes jambes ne puissent plus me porter.

Un insecte me tira rapidement de mes rêveries.

Les papillons commençaient à s'éveiller autour de nous et leurs ailes projetaient des lumières merveilleuses sur les arbres à l'orée de la forêt.

Je bousculait très légèrement Meito pour le tirer de son demi sommeil...

"Meito... Meito. "

Ce bougre avait le sommeil lourd.

Je tappais un peu plus fort sur le sol alors que mon pas se déroulait sur la terre meuble. Il serait peut-être un peu perturbé mais je savais que le spectacle en vaudrait la peine même si je recevais quelques coups de griffes dans les flancs. Un papillon s'était posé sur ma queue et trois autres déjà avaient élu domicile sur ses oreilles qui remuaient innocemment.

"Meito!"

Je suivais les deux autres à travers la forêt, alors que les arbres avaient presque avalé leurs silhouettes.


(La forêt d'Ysahna)

"Meito!"

Hee ?! Quoi, que se passait-il ?! La voix de la Centaure me fit sursauter, ce qui avait eu l'effet de me réveiller aussitôt.
Mais...Que voyais-je ? Des papillons ! Aaah !
Un sourire béat s'affichait sur mon visage. J'essayai de les attraper, mais ils voletaient partout, alors je secouais joyeusement mes oreilles. Ils sont si jolis ! Celui sur la queue de Ko' semblait immobile...Héhé...Je vais t'avoir !
Je me trémoussai légèrement...Concentration...Saut !
J'oubliais que mon support n'était pas très stable. Je plantai mes ongles dans la croupe de ma pauvre amie monture, m'empêchant ainsi de me ratatiner lamentablement contre le sol. J'étais gêné, tellement que je ne voyais même pas que nous avions maintenant pénétré dans la forêt.

"Pardon, Ko'..."

Un papillon voleta sous mon nez.
...Papillon !

(La forêt d'Ysahna)

(Le chemin fleuri)

J'étouffai un rire moqueur en voyant la Shadar-Kai détaler devant moi. Etait-elle sérieuse ? Voulait-elle réellement défier un N...Humain à la course en milieu boisé ? S'il avait été évident que j'aurais, éventuellement, et encore rien n'est moins sûr en sachant l'état de ses pieds, me faire distancer en milieu urbain, il était bien impossible d'y parvenir dans mon élément. Sourire de défi.
Hmm. Pour autant, j'avais oublié un détail. Ces chaussures que je portais, elles, ne faisaient pas partie de mon élément. Et je peinais encore de me déplacer aussi facilement en les portant. Mais, je ne souhaitais pas perdre. Il en était hors de question.

Dilemme...

Bien. Juste pour cette fois...
D'un geste délicat, je retirai mes chausses et les accrochai au reste de mon équipement, en grinçant des dents. Pourquoi ne pouvais-je donc pas être un Humain normal ?! Fichu sang dans mes veines. Si seulement il était possible de le changer entièrement. Il faudrait que je me renseigne à ce propos auprès d'un magicien puissant. Jusqu'alors, tous ceux que j'ai pu croiser étaient bien médiocres. Parfaitement, des nuls. Enfin... Ce n'était pas le moment pour rêvasser, j'avais un défi à remporter. Je m'élançai derrière elle, et la rattrapai sans trop de problème. Je parfis le tout avec un petit geste de la main la saluant, en guise de provocation narquoise.
Tu veux jouer ? On va jouer. Et je ne perds jamais.

C'est alors qu'un immense serpent menaçant rampe vers vous, se dressant de toute sa hauteur pour vous barrer le chemin. Il siffle de sa langue, ses yeux rouges injectés de sang, ses dents plus aiguisées que les meilleures pierres des armuriers. Il en veut à vos vies.

Que faites-vous ?